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Au sud se dérobe Stewart

Avec celles du Nord et du Sud, elle est la troisième île d’un pays qui n’en compte que deux. Laissée pour compte dans l’inventaire territorial, Stewart Island est pourtant la perle éco-touristique de la Nouvelle-Zélande. Si la péninsule d’Otago, près de Dunedin, lui dispute le titre, c’est bien elle qui remporte la palme : 85% de son territoire est classé parc national, et elle abrite des espèces endémiques, dont certaines ne vivent plus que là, profitant d’hectares débarrassés de tous prédateurs.

Le Department of Conservation a fait les choses bien. D’Oban, ville principale et unique port d’attache pour les ferrys au départ de l’île du Sud, plus d’une dizaines de randonnées, d’1 à 4 heures de marche, permettent d’approcher les joyaux de l’île. Otaries, albatros, perroquets, baies de sable doré… la moindre excursion vous immerge dans une nature impeccable et foisonnante. Oui, c’est pour cela que le visiteur vient sur Stewart Island. Le voyageur en quête de sensations fortes ne trouve son compte ici que lors du cage diving, nez à nez avec les grands blancs. Si son compte, l’autre, le permet : 400 dollars la plongée. Ka-ching!

Après une traversée houleuse du détroit de Foveaux, me voilà donc établi à Oban pour une dizaine de jours. Sans tarder, et profitant du beau temps, je m’en vais parcourir toutes sortes de sentiers, parfois en bord de mer, ou bien au coeur de la forêt. Rapidement, la faune se fait entendre. Les volatiles sont partout, je mitraille, et fais souffrir mon téléobjectif. Même le trombone à coulisses d’une banda du Sud-Ouest, entonnant un Paquito Chocolatero, n’est pas soumis à si rude épreuve. Alors que j’enchaîne les prises de vues, je sens une coulée le long de mon coude. J’inspecte : c’est transparent, et plutôt épais, visqueux. Sûrement du pipi de kaka, le perroquet local.

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Outre ces curieux oiseaux, le paysage et la vue qui s’offrent à moi, constamment, depuis une route, une corniche, un sentier forestier, une plage, une jetée, le sommet d’une colline, me laissent rêveur. Ce que j’étais venu chercher sur Stewart Island était à moins d’une dizaine de minutes de marche de mon campement. La seule exception se nomme Ulva Island, accessible uniquement grâce à un water-taxi, au départ de Golden Bay. C’est une île sanctuaire, refuge d’une faune et flore à l’abri de tout prédateur.

Ma première visite, d’une durée trop courte, restera à jamais gravée pour ce que j’ai pu voir avant de l’atteindre. A bord du bateau qui s’y rendait, et alors que je me cramponnais à l’arrière, des dizaines d’albatros à sourcils noirs entamaient une course poursuite. Ils s’approchaient, planaient si près du bateau qu’on aurait presque pu les toucher. Puis il s’écartaient un peu, et se posaient, projetant leur pattes en avant, à la surface de l’eau, surfant sur quelques mètres avant de rabattre leurs ailes et ne plus bouger. Ils répétaient ce cycle à chaque fois que l’embarcation les distançait de trop.

Alors qu’un skipper s’apprêtait à se décharger de restes de poisson, une fois le bateau à l’arrêt, une quarantaine d’albatros, tout près, était prête à en découdre. Battements d’ailes, cris stridents, ils sautaient les uns sur les autres pour s’assurer d’attraper ces dizaines de proies faciles. Soudain, tous arrêtent de se battre et s’envolent au loin, simultanément. C’est alors que surgit à la surface un grand requin blanc, de 2,5m environ, curieux de savoir si ce rassemblement avait de quoi le satisfaire.

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Ulva Island, deuxième. Me revoilà sur l’île quelques jours plus tard, sans avoir été distrait par la présence d’un squale. Ici, parce que les nuits sont plus courtes que dans le reste du pays, il n’est pas rare d’apercevoir un kiwi de jour. Aussi, c’est le seul endroit où il a été constaté que cet oiseau-emblème se nourrit sur la plage, plutôt que de fourrager uniquement dans la forêt. Pas de kiwi ce jour-là, mais j’ai pu me consoler avec le miro rubisole (New Zealand robin), le weka, la perruche de Sparrman (red-crowned parakeet), l’huîtrier variable (variable oystercatcher), ou le créadion rounoir (South island saddleback).

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Clairement, le voyageur courte durée ne peut pas se permettre de passer autant de temps sur Stewart Island. Une visite à la journée est cependant possible, et fortement recommandée. Des bateaux partent de Bluff, au sud de l’ïle du Sud, trois fois par jour. Et si les locaux voyaient d’un mauvais oeil le classement des 3/4 de l’île en parc national, craignant un déferlement de touristes, l’endroit est loin d’être surpeuplé et est aujourd’hui très bien adapté aux besoins des nature lovers du monde entier.

axL

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Du haut de l’Avalanche Peak

Pendant deux jours, j’ai pu explorer quelques versants de l’immense Arthur’s Pass National Park, vaste étendue de montagnes boisées qui sépare le Canterbury, région de Christchurch, de la Côte Ouest. Nous sommes samedi matin, il n’y a pas un nuage. A la sortie de Christchurch, la Old West Coast Road m’embarque à travers d’immenses propriétés équestres. Prés, chevaux, écuries et manoirs défilent. Avant d’atteindre le parc, j’immortalise la quiétude du lac Pearson.

Lake Pearson Lake Pearson Lake Pearson Lake Pearson

Après 1h30 de trajet, au cours duquel, depuis la plaine, la montagne grandit à vue d’oeil, j’atteins Arthur’s Pass Village. Une petite bourgade qui fêtait récemment ses 150 ans. Le long de la route 73, quelques commerces et habitations érigés là, semble-t-il, par le plus grand des hasards, forment le village. C’est une étape indispensable, à mi-chemin entre Pacifique à l’Est et mer de Tasman à l’Ouest, sur l’unique tracé qui relie les deux côtes, dans la partie centrale de l’île du Sud.

Si j’ai pour objectif, dès le lendemain, de m’attaquer à l’Avalanche Peak, randonnée qui, sur le papier, demande 4 à 6 heures de marche, je sais qu’il me faut d’abord échauffer mes jambes rouillées. De passage au centre d’informations, j’explique mon souhait. Mon choix se porte vers Temple Basin, domaine skiable l’hiver. Le point de départ se situe 4 kilomètres plus à l’ouest.

Voiture garée, appareil photo et jumelles à portée de mains, sac au dos, me voilà parti. Le chemin, dont la pente est assez raide dès le départ, est fait de gros cailloux qui roulent sous mes pas. Ca rend les choses beaucoup plus amusantes ! Ce n’est pas un long tracé, et la vue du sommet s’offre rapidement à moi. Etrangement, à part quelques sauterelles suicidaires, qui en voulant fuir se posent systématiquement sur ma route, je n’aperçois aucun insecte et aucun oiseau. Le lieu est dépourvu de toute agitation animale, bien que l’on raconte le contraire au sujet d’Arthur’s Pass.

La randonnée ne me mène pas en haut de la montagne, et la cuvette dans laquelle je termine mon ascension, au pied des remontées mécaniques qui se languissent des premières neiges, me laisse sur ma faim. L’attraction ne se trouve pas où je suis, mais bien en face, en direction du sud. Il s’agit du Mont Rolleston, qui retient dans ses cavités sommitales, malgré la douceur des températures, quelque amas de neige.

Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin Temple Basin

De retour au village, et après mon installation à l’auberge de jeunesse, je profite de la fin d’après-midi pour partir, objectif en mains, chasser le Kéa. Espèce endémique, ce perroquet de montagne, le seul au monde, est un volatile curieux qui ne se laisse pas intimider par la présence humaine. Au point que de nombreux rappels, sous forme d’affiches disposées à chaque coin de rue, martèlent de ne pas les nourrir.

Minimiser le contact est en effet notre principal moyen d’aider à la survie de l’espèce. Ce que ne montrent pas mes photos, c’est qu’il cache de jolies plumes orangées sous ses ailes. Toute la soirée, ce drôle d’oiseau a accompagné mes lectures avec le cri dont il tire son nom. Le département de la conservation propose ici de l’écouter.

Kea Kea Kea Kea Kea Kea

Le réveil sonne à 7 heures, et me voilà, quelques dizaines de minutes plus tard, au pied de l’Avalanche Peak track, chemin qui me mènera au sommet du même nom. J’ai choisi d’effectuer la boucle, en empruntant ensuite, pour la descente, la Scotts track, qui débouche à la sortie du village. Je réalise rapidement que l’échauffement de la veille était nécessaire. Le sentier est abrupt, et uniquement composé, sur de longs passages, de hautes marches de roche qui demandent un sacré effort.

La première partie de la randonnée se fait dans une forêt dense, avec quelques points de vue sur des cascades. A partir de 1300m en revanche, et jusqu’aux 1833m du sommet, seulement une végétation basse, dans le meilleur des cas, habille la montagne. Après une demi-heure d’ascension, je sens déjà le feu dans les cuisses. Je suis seul et prends mon temps. Rapidement, je me trouve au-dessus d’une mer de nuages qui arrive de l’ouest et menace de recouvrir le village d’un épais brouillard.

Dans mon dos, le soleil commence à faire son apparition, et la chaleur, conjuguée à l’effort, pèse de plus en plus. A mi-hauteur, la vue est déjà sublime, et un ultime débouché laisse derrière moi tous les arbres qui me fournissaient un ombrage opportun. Les petits repères orange, triangulaires, disposés sur les troncs, sont remplacés par des piquets jaunes. Avec mes jumelles, j’observe le tracé qui m’attend. Il me faut presque complètement renverser la tête pour apercevoir les derniers d’entre eux. C’est haut, c’est loin, je souffre.

Le chemin est sinueux, et m’embarque parfois près de gouffres hypnotisants. Le tracé est tel qu’il m’oblige, à de nombreuses reprises, à poser le pied à quelques centimètres du vide. Je ne suis pas à l’aise, et incline alors mon corps dans la direction opposée, pour ne pas voir l’abîme. Paradoxalement, cette sensation renforce le plaisir que j’éprouve à gravir cette montagne, impatient de découvrir la récompense que m’offriront les derniers mètres.

Les piquets jaunes de l’Avalanche Peak track rejoignent ceux, orange, de la Scotts track, pour l’arrivée au sommet. Une escalade périlleuse au milieu d’immenses rochers, un passage étroit sur la crête et je touche au but. Me voilà, 3 heures plus tard, à 1833m de hauteur, avec une vue panoramique sur une large partie de la chaîne de montagnes qui forme Arthur’s Pass National Park.

Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak Avalanche Peak

La vue depuis le sommet (cliquez pour agrandir) :

Avalanche Peak

Enfin, ci-dessous, vivez avec moi, sur la crête, les derniers mètres de l’ascension :

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